ボローニャの絵本市

今年初めてボローニャの絵本市に行ってきました。絵本市は4月1日から4日まで。私は1日の夕方にボローニャに着き、2日・3日絵本市に通い、4日の午前中は街をふらりして、午後の便でオランダの自宅に帰りました。

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ボローニャはおっぱいから水を吐き出すこの噴水が有名です!

着いた初日の夕食、エアビーアンドビーのホストさんに近くの美味しいレストランを教えてもらい、遅い時間に行くと満席になると言われたので早めに行きました。店はがらーん。唯一、奥の6人席のテーブルに二人の女性が座っています。お店のおばさんに私が「一人です」というと、お店をぐるっと目で見渡した後、「ここ」と席を指定されたのがその二人の女性と同じテーブルでした。彼女たちも、私もビックリして、つい目があって笑ってしまいました。仕方ないのでいわれた通りその席に座りました。二人の女性の邪魔にならないよう、ノートを出し、メモを書いたり、考え事をしたりしていました。そのうち二人の女性の一人が話しかけてくれて、「あなたも絵本市に来たの?」と聞いてきて、「そうです」と答えると、「私は遊びに来ているけど、友達は絵本市にきているのよ」と紹介してくれて、話が盛り上がりました。彼女はベルリンに住んでいるスペイン人、お友達はベルリンに住んでいるブラジル人。初日からこんな素敵な出会いがあるなんて、夢にも思っていませんでした。その後、毎日ブラジル人のロザンジェラさんとは絵本市で会って、「今日はどうだった」という感想をききっこし、夜も一緒に過ごし、おかげさま心強かったです。

さて、Bologna International Children’s Book Fair!

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会場の入り口

その広さ!初日は目まいしました。どこから始めれば良いのかわからなければ、たった二日間では回りきれないのではないかという焦りも。何度も迷子になりながら、少しづつブックフェアの地理とそのマナーを身につけていきました。

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イラストレーターが自分の名刺やポスターを貼る壁が会場にいくつかもあります。私も貼ってみました。翌日チェックしたら、なくなっていました。どういうことだろう。

出版社は版権の売買にここに集まるので、事前にアポを詰め込んで、大忙しくしています。他方、イラストレータはポートフォリオや作品をみてもらうビッグチャンスなので、大きなリュックやポートフォリオフォルダー、たまにスーツケースまで持ち運んで、ブースからブースへと動き回っています。入選したイラストレータは主催者側が事前にいくつかの大きな出版社の編集者とアポを取ってくれていて、作品をみてもらえる仕組みになっています。「一般の」イラストレーターは自ら売り込みをしなければいけませんが、多くの出版社は毎日ポートフォリオレヴューの時間枠を指定していて、そこの列に並んで自分の番を待てば、作品をみてもらえるという仕組みになっています。人気の出版社の場合、一時間以上待つこともよくあるみたいです。一時間半待って、ちょうど私の番というときに、「時間オーバー、今日はここで終了します」と言われることもしばしば。そう言われたばかりのイラストレーターに何回か会いましたが、「おいしいジェラートを食べに行くといいよ。お店、あそこにあるよ」と慰めました。私も疲れたときは会場のアイスクリーム屋さんに行きました。アイスクリームに感謝します。

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版権の売買で忙しくしている出版社の担当者たち。

出版社がポートフォリオレビューを指定していない場合は、ブースの方に直接話してみて、まず編集者がいるかどうか確認して、時間があれば作品をみてもらえるかを聞く。全く受け止めてくれない出版社もあれば、「ぜひ」と喜んでみてくれる編集者や、「今は次のアポに走らないといけないから一時間後また来て」と言ってくれる場合と、「次のアポまで5分あるから今だったらいいわよ」と言ってくれる編集者も。

作品に関する反応・感想は編集者ごと、出版社ごと、国ごと様々でした。A社であまり受けがよくなくても、B社でとても評価されたり。C社で評価されても「残念ながらうちの方針に合わないけど、あそこに見せるといいよ」と、D社を紹介してくれる親切な編集者に出会ったり。E社では「絵はいいけど、テキストなくてもいいかも」といわれて、一方、F社では「テキストは素晴らしいけど、絵は考え直した方がいいかも」といわれたり。

たくさんの意見・感想を聞かせてもらい、その中には深く響く言葉もあり、自分でもぼやっと思っていたことを客観的に伝えてもらえたり。たった二日間でこれほどの言葉をもらえて、その中で自分の道を探し出し、自分でパズルを組んでいくという、今までになかった貴重な体験でした。

編集者の方の多くは初日と二日目で引き上げる場合が多いようで、3日目の午後からは担当者誰一人もいないブースも結構見かけました。次回は二日目から入るのではなく、初日から参加しようと思いました。あと、なるべく荷物は少なめに!1日目ですでに肩と背中が痛くて苦しかったです。

二日目は、時間に少し余裕がでてきたので、入選されたイラストレーターの展示会を見回りました。素晴らしい原画がたくさん見れます。

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そして、会場を歩いていると、たまたまチェキーの大好きな絵本作家Kveta Pacovskaさんがドイツの出版社でサイン会をされていて、大感動!一冊購入して、息子宛てにサインをいただきました!

 

また、イタリアのBabalibri出版社では、やっとずっと探していたイエラ・マリの本を4冊購入。素晴らしい作品です。

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三日目の午前中は、街を散歩。有名な絵本専門店に寄ってみたり、パスタ屋さんを覗いてみたり、ゆっくり過ごしました。

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絵本専門店の看板のおじさんがかわいい。
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鳥とどんぐり

先日の夕方、買い物をした後、木の下に駐めておいた自転車を取りに行こうとしました。ゆらゆらと落ち葉が空から落ちてきました。手を伸ばして14ヶ月になる息子のためにとってあげました。地面を見ると、なんときれいな落ち葉がいっぱい。赤や茶色や橙色や、そして緑まで。よくみると、赤と橙色が馴染んでいたり、緑に赤が薄く入っていたり。きれいな葉っぱを見つけることに夢中になってしまいました。

するとパチンパチンパチンと空から何かが落ちてくる音がしました。
またパチンパチンパチン!
何かと思ったらなんと木の中にいる黒い鳥たちが小さなどんぐりのような木の実をカチカチカチとつっついて食べているのです。それがパチンパチンパチンと降ってくるのです。

秋が来ーた、秋が来ーた、どこに来ーた
街に来ーた、森に来ーた、アーネムに来ーた

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Enfin Arnhem !

Presque deux ans maintenant depuis le dernier article publié sur ce blog, c’est-à-dire depuis le voyage au Pérou où j’ai fini par avoir une indigestion alimentaire qui m’a cloué au lit une semaine, gâchant le reste du séjour… Depuis, pas moyen de me remettre au blog pour continuer le récit de ce voyage fantastique, j’avais la nausée rien que de penser au Pérou. Et pour cause, j’étais enceinte de deux semaines en réalité quand j’ai eu cette indigestion !

Fort heureusement, l’adorable enfant est né en pleine forme neuf mois plus tard. Il a aujourd’hui un an et un mois, je souffle enfin car la première année, un bébé ne vous laisse aucun répit. Son corps, son esprit, son temps, tout d’une mère est tendu vers l’enfant. Cela fait même un an que je n’ai pas lu un seul livre, excepté les livres de puériculture, un domaine que j’ai d’ailleurs découvert à cette occasion. Bref, je peux enfin reprendre le blog.

Changement radical, nous ne sommes plus au Brésil, mais au Pays-Bas, dans une petite ville qui se prénomme Arnhem. En bordure du Rhin, à la lisière de la forêt du Veluwe qui abrite le sublime Kröller-Müller Museum, la ville d’Arnhem est très verdoyante, détendue et conviviale, je l’appelle la petite Berlin. Les gens sont souriants et vous saluent dans la rue quand vous les croisiez alors que vous ne les avez jamais rencontrés. Elle est connue pour son université d’art, ArtEZ, réputée pour sa section mode, mais aussi pour sa section graphisme et son master de typographie à l’atelier Werkplaatz Typography, à deux pas de la maison.

Une vie calme, très calme, les maisons éteignent leurs lumières à 21h. Impensable pour des esprits plus latins !

Huaca Pucllana

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Le père de Mario me raconte qu’adolescent, il venait rouler en moto sur la butte. A l’époque, la pyramide de Huaca Pucllana (civilisation Wari, 800-1000 ap.JC), à Lima, n’était pas encore l’objet d’une préservation patrimoniale ; c’était une butte, recouverte de terre, en marge de la ville. Des terrains vagues.

Depuis, la ville s’est développée sur cette partie du territoire et la pyramide redécouverte a été restaurée, et rognée. Elle surgit, de toute beauté, au milieu du quartier chic de Miraflores, parmi les buildings modernes.

Elle a la particularité d’avoir été construite de briques adobe (argile mélangée à de l’eau et à un liant, ici des coquillages, puis séchée au soleil) entassées non pas à l’horizontale mais à la verticale, permettant ainsi à la structure d’être plus résitante aux secousses sismiques.

 

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Un millefeuille de civilisations

Le Pérou est un véritable millefeuille de civilisations, comme cette pyramide de briques.

D’histoire précolombienne d’abord. Partout où vous creusez, vous trouvez des pierres, de la céramique, du textile, des momies, partout où vous passez, vous traversez un site archéologique, une pyramide, une place, une ville, un lieu rituel, une terrasse aménagée. Le Pérou occupe un territoire qui est l’un des six berceaux de civilisation du monde. On sent tout de suite la densité, la sédimentation aussi bien physique, géologique, archéologique que culturelle, temporelle, symbolique.

On dit ainsi que la civilisation a commencé à émerger vers 5000 ans av. JC (on trouve des silex et des vestiges de sociétés humaines). Depuis, des civilisations se sont succédées ; pour ne prendre que les principales, les plus productives en termes de cultures matérielles : Cupisnique (1200 av. JC – 500 av. JC), Chavin, Paracas, Nazca, Mochica, Lima, Huari, Chimu, Chancay, et la dernière : Inca (XIIIe siècle – 1532).

Les musées de Lima, nombreux, possèdent de très belles collections de céramiques, de textiles et d’objets en or. Ci-dessous des photos de céramique, de quipus – système d’annotation des comptes avec des noeuds – et de couronnes en or prises au Museu Larco ;  des photos de textile prises au Museo Amano. La ville abrite elle-même des sites archéologiques, dont la magnifique pyramide Huaca Pucllana qui gît au milieu des buildings.

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D’histoire coloniale ensuite, avec l’arrivée des troupes de Pizarro (1531), ces envahisseurs espagnols qui raflent tout, à commencer par l’empereur Atahualpa, qu’ils capturent et exécutent. Cependant, ils n’éliminent pas complètement les Incas, ils mettent à la place d’Atahualpa un gouvernement fantoche soumis aux volontés des conquistadores. Du moins dans les débuts, car des révoltes il y en aura jusqu’au XVIIIe siècle, dont la dernière menée par le dernier descendant inca Tupac Amaru. Puis les Espagnols raflent l’or, non seulement des sous-sols mais celui travaillé par les Incas pour orner leurs lieux de culte et leurs objets rituels. Tous ces ornements seront décrochés des murs, volés, pour être envoyés en Espagne et revendus. Puis les Espagnols raflent les lieux symboliques, ils détruisent les monuments incas pour construire à la place leurs propres palais et leurs églises. Ils procèdent comme avec les chefs, ils n’éliminent pas tout : ils gardent les fondations incas, ces fameuses pierres grosses comme des roches et taillées avec une précision d’horloger, et construisent par-dessus, comme pour mieux démontrer la domination espagnole, la soumission inca. L’architecture espagnole vient véritablement écraser celle des Incas, donnant par ailleurs naissance à un exemple d’architecture hybride intéressant en soi.

A Cusco, ancienne capitale inca aujourd’hui classée patrimoine mondiale de l’UNESCO, j’étais étonnée de voir à quel point les habitants – à travers notre guide qui parlait au nom de tous – s’identifient à la culture des Incas dont ils se sentent les descendants et à quel point ils haïssent les Espagnols, au point même de négliger le patrimoine colonial dans le palmarès pour ne porter considération qu’au patrimoine inca.

Cusco

Vient ensuite les mouvements d’émancipation du Pérou, au XVIIIe siècle, avec notamment Simon Bolivar, le Vénézuélien, à la tête de l’une des troupes rebelles et qui donnera son nom à la Bolivie suite à une scission ; des guerres de territoire avec l’Equateur marquent cette période de transition qui s’achèvera par la construction de la république, une fois l’indépendance durement acquise en 1879. D’une guerre l’autre : c’est maintenant la guerre du Pacifique, contre le Chili, aux côtés de la Bolivie. Puis bientôt – oui, je saute – les grandes guerres mondiales.

L’après-guerre sera marqué par une succession de dictatures militaires et de coups d’Etat. A peine la démocratie est-elle rétablie dans les années 1980 que commence une autre période noire du Pérou avec ses deux groupes terroristes, l’un maoïste, le Sentier lumineux, dirigé par un professeur de philosophie, l’autre guevariste, le Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru, plus connu sous le nom de MRTA. C’est surtout le Sentier lumineux qui, imitant la stratégie de Mao, celle de partir des campagnes pour conquérir la ville, étend son influence peu à peu sur tout le territoire péruvien, semant la terreur au quotidien et à quiconque. Le MRTA quant à lui est plus connu pour ses assauts plus ponctuels et plus spectaculaires, plus souvent pour demander la libération de leurs camarades faits prisonniers, comme par exemple la prise en otage de l’ambassade du Japon à Lima qui a duré plus de 4 mois, du 17 décembre 1996 au 22 avril 1997, sous la présidence du nippo-péruvien agronome et mathématicien, Alberto Fujimori qui aura régné une décennie (1990-2000).

La violence de cette période ne doit pas seulement aux groupes terroristes anti-gouvernementaux mais aussi aux escadrons de la mort, ces armées paramilitaires qui n’hésitaient pas à violer les droits de l’homme. Si la paix a officiellement été obtenue en 2000, et ce dit-on grâce à Fujimori, quelques sentidos (c’est ainsi qu’on appelle les membres du Sentier lumineux) seraient encore repliés dans les montagnes attendant leur revanche…

Quant à Fujimori, personnage ambivalent, il aura laissé un bilan mitigé et controversé, qu’une bonne quinzaine d’années de nettoyage (et d’oubli ?) aura été nécessaire pour que sa fille, Keiko, puisse reprendre le flambeau. Elle est aujourd’hui la candidate portée favorite aux prochaines élections qui auront lieu en 2016.

Quand on sillonne les campagnes péruviennes, on voit les murs de certaines maisons badigeonnés de blanc avec le surnom des candidats et leurs pictogrammes : un ballon de football, un Indigène avec des plumes, une maison, un lama… Un pictogramme, c’est plus facile pour les gens de reconnaître que des lettres qui ensemble signifient un nom ou un slogan. Le taux d’analphabétisme ne doit pas être négligeable. Les habitants qui acceptent de badigeonner ainsi un des murs de leur maison ou de leur boutique reçoivent une petite compensation, de l’ordre de 30, 40 ou 50 dollars d’après notre guide à Cuzco. Ce sont les seuls murs peints, les autres maisons sont toutes de briques brutes, on n’a pas d’argent à dépenser pour peindre ses murs.

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J’ai tenté une rapide description de ce millefeuille. Mais on n’a pas le temps en une semaine de voyage de le déguster dans toutes ces subtilités, d’en étudier toutes les couches, de tout digérer. On peut savourer quelques bouchées, lécher la crème qui dépasse suite à la pression verticale opérée par les dents, picorer quelques feuilles cassées, effondrées par cette même pression.

L’œil de bœuf

Dans la voiture, Mario, notre ami nippo-péruvien qui nous a invité au Pérou et qui est venu nous chercher à l’aéroport international de Lima, nous dit de mettre les sacs à nos pieds, de ne rien laisser visible sur nos cuisses ou sur la banquette : quand les voitures sont à l’arrêt aux feux rouges ou dans les embouteillages, c’est là que les gars opèrent. Ils passent entre les voitures et dès qu’ils repèrent un objet qui leur semble avoir de la valeur, ils donnent un coup sur la vitre avec un bout de ferraille qu’ils cachent dans la main (pour être précis, une pièce qui entre dans la composition du moteur automobile), ils saisissent l’objet et ils filent. C’est très rapide.

J’aurai l’occasion de les voir opérer quelques jours plus tard, à un feu rouge où nous étions bloqués. Ce jour-là, c’était Lucio, le chauffeur de Mario, qui nous conduisait, Mario était assis à l’avant. Les deux Péruviens aguerris ont repéré de loin les deux gars qui se faufilaient entre les voitures – ils opèrent par deux –, Mario me dit : « Attention, ton sac ». Tout d’un coup la tension est montée dans la voiture. Lucio et Mario fixaient les deux gars, ne les lâchaient pas. Moi j’ai senti la chaleur monter à la tête. Un silence lourd. Je vois les mains de Lucio crispées sur le volant. On est tous immobiles. On ne peut pas fuir, on est bloqués dans la voiture, on doit attendre que le feu passe au vert. On est ligotés de l’intérieur. On voit approcher l’un des gars, tandis que l’autre prend une autre direction pour faire diversion, le premier frôle la vitre, moi je suis raide comme un piquet, pleine de sueurs froides. Ouf, le gars ne s’est pas arrêté, il a continué son chemin vers d’autres voitures derrière nous.

La tension redescend, on se relaxe, on se sent mieux. Lucio nous apprend qu’il a de toutes façons fait coller des filtres anti-brisures aux vitres, que sa voiture ne craint rien. Mario nous dit pour sa part qu’il suffit de fixer les gars, car les voleurs n’opèrent que si les proies ont le dos tourné, à leur insu. Un truc de psychologie. N’empêche que sur le moment, j’ai bien eu la trouille.

Mario, lui, dit qu’il n’a pas peur, qu’il n’a jamais peur. Et il nous raconte qu’il a eu des entraînements dès l’âge de 12 ans, durant la période terroriste, pour se défendre : il devait conduire une voiture, une main sur le volant, l’autre tenant un pistolet et pointant l’extérieur. C’est aussi à cet âge-là qu’il a commencé le karaté. J’ai en effet lu quelque part que le gouvernement avait armé les villages, les plus exposés aux attaques terroristes, pour qu’ils puissent se défendre eux-mêmes. On n’imagine pas dans quel climat de terreur et de violence a grandi toute cette génération qui est la mienne, au Pérou.

Mario regorge d’histoires et d’exploits. Il nous racontera ainsi l’une des pires agressions qu’il a connues à Lima, il y a longtemps, quand il était jeune et fort, fraîchement sorti vainqueur du championnat national de karaté. C’était la veille de noël, il roulait sur la voie rapide qui longe la côte, quand soudain un de ses pneus a crevé. Cette voie rapide est dans la ville mais un peu à l’écart, il n’y a pas de passants, pas de commerces, pas d’immeubles, que des voitures qui filent, et c’était la nuit. Il se gare dans un coin, sort de son coffre ses outils et son pneu de secours, et se met à changer son pneu. Jusque là, tout va bien. Une fois terminé, il retourne ranger ses outils à l’arrière de la voiture. Quand il ferme le coffre, qu’est-ce qu’il voit à l’avant ? Un gars en train d’essayer de voler sa radio. Il court le rouer de coups, le gars se retrouve à terre. Et là, ô malheur, il y a cinq autres gars – des potes du gars qui gît par terre – qui avaient observé la scène et qui s’approchent maintenant pour venger leur pote, et qui ont des gros couteaux longs comme des sabres. D’habitude, Mario a toujours dans sa voiture un bâton en fer pour faire face aux agressions. Pas de chance ce jour-là, pas de bâton. Il n’a pas le choix, il doit lutter à main nue. Contre cinq mecs. Mais il est champion national de karaté, il a confiance en lui, tout en étant conscient qu’il a une grosse difficulté devant lui. L’adrénaline monte. C’est une véritable scène de kung-fu à la Jackie Chan. Les coups de poing et les coups de pied fusent de partout, et Mario réussit à leur ôter les couteaux et à prendre le dessus. Les gars s’éloignent mais ils continuent en lui jetant de grosses pierres comme des projectiles. Mario ne sent rien sur le moment, sous l’effet de l’adrénaline. Il monte dans sa voiture et réussit à fuir. Cette année-là, il ne fêtera pas noël, il sera cloué au lit pendant trois mois, avec des côtes brisées. Je lui demande ce qu’il ferait aujourd’hui dans une situation semblable : « Je n’hésite pas, je lève les bras tout de suite : prenez tout, laissez-moi la vie ».

Les habitants de Lima vivent en permanence avec cette violence potentielle qui peut surgir, non pas partout et à tous moments, mais à certains moments, dans certains lieux. L’auberge où nous étions logés n’avait pas d’enseigne par exemple, « pour des questions de sécurité » nous expliquera son patron ; et un œil de bœuf grossissant à angle ouvert permet toujours de surveiller la rue, pour vérifier l’identité de celui qui sonne à la porte. J’étais fascinée par cet œil de bœuf, il y a quelque chose de magique à pouvoir voir de l’autre côté d’une porte opaque. Cela me faisait penser à Alice aux pays des merveilles et à Alice de l’autre côté du miroir. Un monde qui se déploie à travers un trou, un monde qui se déploie de l’autre côté.

Lima sous les brumes

De l’avion qui s’approche de Lima, on est étonné par le paysage que l’on aperçoit à travers le hublot. On entre d’abord dans une épaisse couche de nuages, puis de brouillard généralisé. Le paysage devient feutré, trouble, presque évanescent. On se concentre pour voir les formes et les couleurs, et on perçoit une côte désertique, uniformément brune et plate. On se dit : « Mais c’est là qu’ils ont établi leur capitale ? » L’avion longe des zones industrielles, des usines qui ont poussé comme des champignons sur ces terrains déserts. On voit plein de bateaux, qui accostent pour charger ou décharger des cargaisons. Puis on voit apparaître la ville de Lima, toujours aussi brune, toujours aussi plate, toujours aussi brumeuse, avec comme seul accident du relief une montagne tout aussi désertique et que les Péruviens appellent la « montagne dénudée ».

Lima est en effet située sur la costa, la longue bande littorale du Pérou. C’est une région désertique, où il ne pleut presque jamais, où il ne vente pas, mais où il fait humide sous la forme d’un brouillard permanent. Pas d’eau, pas de végétation, mais une mer riche en poissons et quelques oasis.

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L’avion atterrit, on descend sur le tarmac et on est tout de suite saisis par une odeur vraiment fétide, une odeur d’égouts, comme si tout le réseau sanitaire de la ville avait cédé. J’apprendrai plus tard qu’il s’agit des émanations provenant des usines situées sur la côte à proximité de la ville, qui produisent avec du poisson des aliments pour oiseaux. Quel ravage odoriférant pour satisfaire le plaisir des uns à avoir un oiseau qui chante à la maison !

C’est Mario, un ami nippo-péruvien, qui s’est occupé d’organiser notre séjour ici. Il nous a réservé une chambre dans une auberge familiale située dans le quartier japonais de Lima. Pépé qui tient l’auberge et qui a notre âge, parle très bien japonais, bien qu’étant 3e génération d’immigrants japonais. Ce sont ses grands-parents, originaires d’Okinawa, qui sont venus s’installer au Pérou.

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De la terrasse de l’auberge, on voit se profiler la ville, sous son épaisse couverture blanche légèrement rosée par le coucher du soleil qui s’approche. La ville est grande, elle s’étale sur des kilomètres ; elle abrite un peu plus d’un tiers de la population du pays,  soit 11 millions sur les 30 millions d’habitants.

Des oiseaux peints de toutes les couleurs

Durant le séjour à Buenos Aires, on nous dit que l’Uruguay « est juste en face », qu’il suffit de traverser le Rio de la Plata en bateau. On y va. La traversée prend quand même 3h, il s’agit de l’un des plus grands estuaires au monde.

On arrive à Colônia, très joli port autrefois portugais, où les arbres, fouettés par le vent, ont tout l’air de danser.

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On poursuit par un court séjour dans une estancia (soit un ranch) comme c’est la coutume ici, en Argentine aussi bien qu’en Uruguay : un pantalon, des bottes en cuir, un chapeau, et hop c’est parti pour faire le gaucho, le cowboy de la pampa.

Une campagne immense, merveilleuse, une lumière grandiose, un ciel souvent dramatique, plein d’oiseaux et des nids bien étranges. Le nom Uruguay signifie d’ailleurs, en langue guarani, « pays des oiseaux peints de toutes les couleurs ». Dans les promenades, des chiens surgis d’on ne sait où vous accompagnent, et dans les pâturages verts d’abondance, des vaches et des veaux, des moutons, des chevaux, au pelage magnifique, viennent vous saluer, confiants et curieux.

Et pourtant, certains finissent sur le grill, et quel délice! La meilleure viande au monde!

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Flâneries porteñas

Venant du Brésil, ce qui me frappe dès les premiers pas dans les rues porteñas (de Buenos Aires) : la présence des Andins parmi une population largement blanche – quoique sans doute métissée – issue de la colonisation espagnole (XVIe – XVIIIe siècles), puis de l’immigration italienne et espagnole (à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle). Les Andins viennent de la partie montagneuse de l’Argentine, mais beaucoup sont des immigrés paraguyens et boliviens, et dans une moindre mesure chiliens et péruviens. Parmi toutes sortes de professions qu’ils occupent, la plus visible dans la ville est celle de primeurs. J’adore leurs étalages, ils présentent les légumes à la verticale contre le mur comme des tapisseries plein de signes, autant de figures aux géométries et aux couleurs variées qui forment de jolies compositions.

En Argentine, il y a aussi eu une immigration japonaise. Je tombe aussitôt, par hasard, sur l’association des Japonais d’Argentine qu’un écriteau en bois signale discrètement à l’entrée d’un immeuble. Je m’y aventure, j’y découvre une cantine japonaise complètement à l’abri du regard des passants.

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Le premier Japonais enregistré dans l’histoire argentine serait un esclave connu sous le nom de Francisco Xapón qui aurait obtenu sa liberté en 1597. Mais l’immigration japonaise à proprement parler se déroulera plus tard, au début du XXe siècle. En ville, beaucoup seront fleuristes ou blanchisseurs. Aujourd’hui, la communauté japonaise en Argentine compterait 23 000 descendants.

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J’ai faim. On marche à la recherche d’un café sympathique où prendre le petit déjeuner. Il paraît que Buenos Aires regorge de cafés, que la culture du café y est aussi forte qu’en Europe.

On passe devant La Poesia. Cela sonne bien. On entre. Belle ambiance boisée, dans le calme du matin. Déjà pas mal d’habitués attablés, lisant leurs quotidiens avec leur café et leur medialuna, le croissant local. Paysage familier, j’ai l’impression d’être en Europe, à Paris, à Rome, à Barcelone. Inauguré par le poète Rubén Derlis en 1982, ce café est depuis devenu une institution, à en croire les nombreuses inscriptions, photos, lettres, dessins, accrochés aux murs. Nous, nous commanderons un petit déjeuner complet avec des toasts.

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Qui dit café littéraire, dit livres, dit librairie. Buenos Aires compte en effet de nombreuses librairies, plaque tournante éditoriale de toute l’Amérique latine hispanophone. Je passe aussi devant de nombreux bouquinistes.

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« Ficcion » ? Un pélerinage s’impose alors à la bibliothèque nationale, aujourd’hui désafectée, où Jorge Luis Borges veillait sur les lieux comme un chef d’orchestre composant avec le bruit des pas, des pages que l’on feuillette, des livres que l’on pose sur la table, des chaises qui grincent, des stylos qui grattent. Le moindre bruit résonne dans cette architecture théâtrale et désuète. Fin d’un temps.

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Le football est aussi très présent dans la ville et ses commerces. Borges serait-il le seul argentin à ne pas aimer ce sport national ? « Le football est populaire parce que la stupidité est populaire »…

Un portrait de Maradona.

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De nombreux immeubles sont en fait de vieilles galeries marchandes dont j’adore les vitres arrondies aux angles ; dans celle-ci, une petite boutique de serrurier comme un trou de serrure dans le passage.

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Petit arrêt dans le Gran Cafe Tortoni, une autre institution que l’on trouve cette fois dans tous les guides. Les tables sont marbrées comme du gorgonzola. Au Japon, on met des grains de riz dans la salière pour absorber l’humidité ; ici, ce sont des graines de café.

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La journée se terminera sur une jolie lumière rasante dans le quartier de San Telmo.

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ブエノスアイレス世界一周

ブエノスアイレスを旅していたら、ロシア人形のように旅の中に旅があった。

道の名前に国の名前が付いているからだ。

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例えば、私が泊まっている宿の道は「エスタドユニドス」、つまりアメリカ合衆国。
そこで、ブエノスアイレスに住んでいる友達に電話をした。こんな会話になった。
私「どこに住んでいるの?」
彼女「イスラエル。ジェニーは?」
私「アメリカだよ。」

なんて旅する街だ。

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宿を出て散歩をすると、最初に突き当たる道は「ペルー」、そして「チリ」、そして「メキシコ」。
次はなんだろう?「ベネズエーラ」。
道の名前を追いかけるだけで楽しい。

違う地域に行ってみたら、「ホンヂュラス」、「エルサルバドー」、「コスタリカ」。
まだまだ続くよ、「パラグアイ」、「ガテマラ」、「ニカラグア」。

南米を歩きまくってきた。
さすが疲れた。ある広場まできていた。アイス屋さんがある。ここでアイスでも食べよう。ベンチに座って、アイスを食べながら広場の看板を見上げてみる。

ここは「アルメニア」だった。